Les énigmes du passé, Histoire et récit biblique

2004

De Jean-Louis Ska, Bruxelles, Éditions Lessius, Collection « Le livre et le rouleau », n° 14, 2002, 144 p., 14,5 €

Pour qui cherche à connaître les débats et résultats majeurs de la recherche actuelle en histoire et archéologie de la Bible, le nouveau livre du Père jésuite Jean-Louis Ska, professeur d’Ancien Testament à l’Institut biblique de Rome, est digne d’un grand intérêt.

Il est en effet passionnant, très clair et particulièrement concis. Depuis quelques décennies, en effet, les chercheurs ont revu certaines hypothèses concernant la rédaction et la datation des livres de la Bible ainsi que les questions d’historicité qu’ils soulèvent. Avec beaucoup de prudence, il est établit que l’essentiel des livres remonteraient au plus tôt à la période de l’exil (soit vers 600 av. J.-C.), voire post-exilique. Nous le savons en effet, l’exil a été pour Israël une période très traumatisante mais aussi extrêmement féconde du point de vue de sa propre réflexion sur le sens de son histoire et de son identité. Mais, à moins d’être expert en la matière, il n’est pas toujours facile de se faire une idée de la solidité des différentes et nouvelles théories présentées. Le Père Ska a le mérite de le faire et ce brillamment. Ceci dit, son livre Les énigmes du passé va bien au-delà. Car le véritable enjeu, pour le lecteur de la Bible, est d’éviter un double écueil, celui de l’historicisme : c’est-à-dire se limiter à la recherche de la “vérité” des faits, des dates, des lieux, des noms, ce qui risquerait d’entraîner le lecteur à penser que tout, ou presque, est “faux” ; et celui opposé du fondamentalisme : c’est-à-dire à interpréter littéralement le texte sans le situer dans son contexte, sa culture, son histoire. L’auteur propose donc une lecture médiane. Ou plus précisément encore, il ne cesse de rappeler que les auteurs de la Bible, qui sont nombreux et parfois même se contredisent, ont moins cherché à informer qu’à former, c’est-à-dire à interpréter l’histoire du peuple élu pour en expliquer le sens. Car tel est bien le but de la Parole de Dieu, en éclairant les événements de la vie, leur donner un sens.

Plus concrètement, à chaque nouveau chapitre, J. L. Ska, cherche à examiner le rapport entre récit (langage) et histoire (réalité). Pour y parvenir il répond aux mêmes questions : qui raconte ? Comment le narrateur peut-il savoir ce qu’il raconte ? Y a-t-il des documents extra-bibliques sur ces mêmes événements ? Si oui, quelles différences entre les documents, et comment expliquer ces différences ? Bien entendu les résultats de son enquête se révèlent bien différents d’une période à l’autre. Après avoir présenté sa démarche en une partie introductive, l’auteur parcourt donc en six chapitres les grandes étapes de l’histoire biblique : les origines (création, déluge, tour de Babel), les patriarches, l’Exode mosaïque, la "conquête" de la terre, la royauté de David et Salomon, les royaumes d’Israël et de Juda confrontés aux Nations (jusqu’à environ 701 av. J.-C.).

Malgré cela, et s’il ne fait aucun doute que l’historicité même du contenu de la transmission orale de l’histoire d’Israël ne peut être que remise en question quant cette transmission s’étend sur d’aussi longues périodes (mille ans, voir plus), nous pouvons peut-être regretter le fait que l’auteur rejette d’emblée l’hypothèse de cette transmission. Les peuples sémites, et spécialement le peuple Hébreu, étaient en effet des peuples de la Parole, de l’Ecoute, bien plus que de l’écrit.

Fort habilement, J.L. Ska illustre le début de ses propos par la référence à la Pietà de Michel-Ange et la conclusion de ces derniers par le Guernica de Picasso, aussi pouvons-nous conclure, avec André Wénin de la Revue théologique de Louvain : “C’est le mérite de l’auteur que de faire voir que ces textes tiennent davantage de l’oeuvre d’art que de l’historiographie, de la théologie que de l’archéologie.