De la PMA pour toutes au transhumanisme

4 octobre 2019

De très nombreux ouvrages sont publiés ces derniers temps autour de la question de la « PMA pour toutes » et plus largement sur l’évolution actuelle de notre société. Nous ne pourrons pas dire aux générations futures « je ne savais pas ». Des juristes, de très haut niveau, des philosophes, passionnants et de tout bord, des psychiatres, renommés, des politiques, éclairés... autant d’experts s’alarment. Seront-ils entendus ? Les jeux sont-ils joués d’avance ?
Parmi tous ces très bons livres, en voici deux, excellents, percutants, mais pas toujours faciles.

Un constat essentiel sur les transformations en cours réunissent tous ses auteurs : au dieu argent et pouvoir s’est associé l’idole de la technique, du progrès. Le curseur moral est dorénavant aligné sur « ce qui peut se faire ». Si la technique le permet, pourquoi l’interdire ? On croirait entendre des propos tenus par tel ou tel médecin nazi lors du procès de Nuremberg… Or, tout progrès technique n’est pas synonyme de progrès de civilisation.

Le philosophe Dominique Folscheid dans son excellent livre Made in labo, de la procréation artificielle au transhumanisme (ed. du Cerf, 508 p., 24 euros) part du même constat. Sa thèse est très percutante. Et son livre est passionnant. Il déploie la révolution en route, qui semble avancer inéluctablement, écrasant tout sur son passage. Impressionnant.

Pour lui le véritable point de départ est le 25 juillet 1978 : la naissance de Louise Brown. Dorénavant on peut faire un enfant sans faire l’amour. La sexualité est définitivement clivée. La seule technique suffit. Descartes a gagné. La médecine est devenue une prestataire de service, elle n’a plus droit à l’erreur. L’eugénisme tant décrié avance masqué inéluctablement. Il avance d’ailleurs de plus en plus à visage découvert, de « négatif » il devient « positif ». Si votre enfant est choisi sur catalogue et payé fort cher, vous ne vous contenterez pas d’un produit défectueux.

Nos registres ont changés. L’anthropologie est en crise. Le don disparait. Je tiens mon origine ni de Dieu, ni de mes parents.

L’auteur est un philosophe, il maîtrise parfaitement la question. Son analyse se veut très fouillée, peut-être un peu trop pour le quidam que nous sommes. Il veut nous faire comprendre les fondements de la révolution en cours pour mieux en saisir la portée et l’avenir. Il remonte très loin. Mythes et mythologies deviennent possibles. Œdipe peut épouser sa mère. En mourra-t-il ?

Bacon, La Mettrie, Darwin, Hoffman, Shelley, Huxley, etc. autant d’auteurs étudiés quant à leurs apports au transhumanisme. Si Dieu est mort, il est temps de le remplacer. Car, après la confrontation directe avec le christianisme, l’heure est à son remplacement.

Un livre à lire.

Le second livre est de Christian Flavigny, psychiatre et psychanalyste reconnu, disciple de Freud : Le débat confisqué, pma, gpa, bioéthique, « genre », metoo… aux éditions Salvator (2019, 184 p., 17,9 euros). Certes, c’est un expert qui parle, l’approche est donc parfois un peu ardue et certaines phrases demandent à être relues plusieurs fois, mais les conclusions sont toujours limpides et aussi inquiétantes.

Concernant la PMA pour toutes, l’auteur n’arrive pas à croire que la loi puisse ainsi faire fi du père. D’où je viens ? Qui suis-je ? Quid du « complexe d’Œdipe » ? De ce fameux « meurtre du père » dont on nous a tellement rabâché les oreilles ? Quid des fondements psychanalytiques de la personne ? Eliminer le père n’aura que des conséquences dramatiques sur l’ensemble de la société, peut-être pas dans l’immédiat mais certainement dans les décennies à venir. Conséquences qui se traduiront par d’avantage de violences. Car l’enfant sans père ne pourra même pas exprimer sa souffrance puisque la loi, et donc l’ensemble de la société, lui dira qu’il est normal d’être sans père, qu’il n’a pas besoin de père, donc inutile pour lui de chercher un père de substitution.

Et le psychiatre d’expliquer que l’on oublie que se mettre en couple avec une personne de son sexe est symptomatique de problèmes antérieurs relationnels avec son propre père, sa mère, peut-être très profonds, mais qui s’expriment de la sorte, entrainant, au fond, un rejet de la maternité ou de la paternité.
Réduire les parents à de simples éducateurs est tragique. Être parent, géniteur, donner la vie, va bien au-delà de la simple éducation, pour les parents eux-mêmes et pour la construction de l’enfant et du futur adulte. L’union de deux incomplétudes est essentielle. Le lien de la filiation est fondamental. La génération est primordiale.
D’autant que parallèlement, la loi retire peu à peu aux parents leur propre rôle pour la remettre à des experts (cf. par exemple la loi interdisant la fessée, la toute récente volonté de prise en charge des « 1000 premiers jours de l’enfant », les numéros verts pour parents dépassés, etc…). Tout est fait pour que les parents n’aient plus confiance en eux et de même pour leur progéniture… De là aussi la critique intéressante faite par l’auteur de la remise en cause généralisée de l’adoption plénière. Pour lui le modèle français est le plus protecteur de l’enfant et plus généralement de la famille. Il regrette à cet égard le complexe d’infériorité que notre société développe vis à vis du modèle anglo-saxon.

L’erreur des féministes, à la suite de Simone de Beauvoir, est d’avoir négligé un aspect essentiel de la formation de la petite fille : son aspiration à devenir mère ; depuis toujours elle a sa propre mère en modèle. Loin d’être le « 2e sexe », la femme est l’« autre sexe » pour l’homme et l’homme est l’autre sexe pour la femme. Or, la maternité est une donnée essentielle, existentielle, profonde à la petite fille et à la femme. La thèse victimaire des féministes est réductrice, elle sépare davantage encore la femme de l’homme et l’homme de la femme. Quant au « metoo », si l’auteur ne conteste la gravité des violences auxquelles peuvent être soumises certaines femmes, il dénonce une erreur de cible. La plus grande souffrance des femmes aujourd’hui est leur isolement, est d’être seules. Voilà une urgence auquel la société devrait se consacrer, plutôt que de les isoler encore davantage. Ce que ne manquerait pas de faire une « PMA pour toutes ».

Pas de doute, la psychanalyse est la grande perdante de notre époque, au profit de la seule génétique… Ou plus généralement de la technique.

A Pie XII qui prophétisait solennellement dès 1953 : « La grande misère de l’ordre social est qu’il n’est ni profondément chrétien ni réellement humain, mais uniquement technique et économique » (Radio message, Noel 1953), reprennait en écho Saint Jean-Paul II lors de sa très fameuse homélie du Bourget :

"Pour nous, l’alliance intérieure avec la sagesse se trouve à la base de toute culture et du véritable progrès de l’homme. Le développement contemporain et le progrès auxquels nous participons sont-ils le fruit de l’alliance avec la sagesse ? Ne sont-ils pas seulement une science toujours plus exacte des objets et des choses, sur laquelle se construit le progrès vertigineux de la technique ? L’homme, artisan de ce progrès, ne devient-il pas toujours plus l’objet de ce processus ? Et voilà que s’effondre toujours plus en lui et autour de lui cette alliance avec la sagesse, l’éternelle alliance avec la sagesse qui est elle-même la source de la culture, c’est-à-dire de la vrai croissance de l’homme. (...) Alors permettez-moi, pour conclure, de vous interroger : France, Fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? Permettez-moi de vous demander : France, Fille de l’Eglise et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l’homme, à l’alliance avec la sagesse éternelle ? "

Quant au Pape François, il n’est pas en reste quand il proclame devant le Parlement de Strasbourg le 25 novembre 2014 :"C’est une grande méprise qui advient « quand l’absolutisation de la technique prévaut », ce qui finit par produire « une confusion entre la fin et moyens ». Résultat inévitable de la « culture du déchet » et de la « mentalité de consommation exagérée ». Au contraire, affirmer la dignité de la personne c’est reconnaître le caractère précieux de la vie humaine, qui nous est donnée gratuitement et qui ne peut, pour cette raison, être objet d’échange ou de commerce."