La vie du Père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus

25 janvier 2012

Mgr Guy Gaucher, ed. Cerf-Editions du Carmel, mars 2007, 356 pages, 22 €

Dans ce livre très complet, Mgr Gaucher retrace fidèlement la vie d’un homme fasciné par Dieu, ami de l’Esprit Saint, et actif infatigable qui a été de plain-pied dans l’Histoire de l’Eglise du XXe siècle.

Le 19 décembre 2011, le Pape Benoît XVI reconnaissait l’héroïcité des vertus du père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, devenu ainsi Vénérable. Première étape avant la béatification...de quoi nous encourager à mieux connaître le Père Marie-Eugène et à demander des grâces par son intercession !
 
La vie d’Henri Grialou (1894-1967) est exceptionnelle, toute bâtie sur les « antinomies » (p. 272). Il est né « enraciné dans son Aveyron natal ». Orphelin de père à 10 ans, il connait les difficultés de la vie d’un bassin minier. Ses origines paysannes le fondent sur le roc, mais profondément uni à l’Esprit Saint, il sera plein d’audaces (il faut le lire pour découvrir en lui un vrai et profond charismatique avant l’heure !).

Très aimé par sa mère, ce fut pour elle un terrible déchirement que de le voir répondre à l’appel brusque et irrésistible du Carmel (pp. 60 et ss.). Fils aimant, soldat puis officier tout donné au service de sa patrie et de ses hommes (il participera aux deux guerres mondiales), il deviendra prêtre pour l’éternité, amoureux du Carmel. C’est en hommage à la prieure du Carmel de Rodez, Marie-Eugène du Sacré-Cœur, qui lui fit découvrir ses grands maîtres, que le Père Marie-Eugène décide de s’appeler ainsi ; mais ses liens avec cette Mère entraineront d’autres déchirements…

Un contemplatif, un bâtisseur à l’entreprise considérable, avec son chef d’œuvre de la pensée : Je veux voir Dieu (Ed. du Carmel, 1re ed.1947-1957, réed. 2005) : « Nous continuerons non seulement à espérer mais à réaliser audacieusement. Quant on sait que le bon Dieu veut de grandes choses, on n’hésite pas à entreprendre de grandes réalisations, à se lancer presque à l’aventure, mais on ne se lance pas sans que l’Esprit Saint ait donné un signe. On ne se lance pas parce qu’on a une idée, on se lance parce que Dieu a donné un signe, mais quand il l’a donné immédiatement il faut voler. Et on témoigne de la réalité et de la profondeur de son espérance par cette audace dans les réalisations » (31 déc. 1966, cité p. 256).

Un voyageur infatigable, dont le secret réside dans ses deux heures d’oraison quotidiennes. Un homme qui ne grandit pas seul, il est particulièrement redevable au « génie féminin » : sa mère, sa sœur Berthe et Marie Pila, co-fondatrice avec lui de l’Institut séculier Notre-Dame de Vie.

Un homme convaincu et convaincant qui va se battre pendant des années pour l’unité du Carmel, et y réussir, tout en créant en son sein Notre Dame de Vie, à Vénasque, son œuvre la plus chère, là où il va le plus exprimer sa paternité spirituelle. Doté d’une intelligence exceptionnelle, il sera appelé aux fonctions les plus hautes dans l’ordre carmélitain, à Rome, sans jamais s’y soustraire, malgré son profond désir de s’enfouir à Vénasque, ou sa grande fatigue. Un homme capable de dire au Pape Pie XII qu’il se trompe, puis de se soumettre (le Pape finira par l’écouter, cf. p. 194 et s.). Un prédicateur infatigable, amoureux de Saint Jean de la Croix, de Sainte Thérèse d’Avila et surtout la petite Thérèse. Un prophète. Un fort, un humble. Un saint.

Sur la sainteté, il disait un jour à la suite de la petite Thérèse, lors d’une de ses innombrables conférences : « Les diversités du monde spirituel sont plus grandes encore que celles du monde matériel. Nous pourrions prendre les comparaisons que j’évoquais : l’arbrisseau, la salade, le baobab. Chacune de ces plantes atteint sa perfection et chacune pousse à sa taille. Sur le plan spirituel, c’est un peu la même chose. Nous sommes destinés à avoir des tailles différentes, des mesures différentes de grâce selon le choix de Dieu, selon la pensée de Dieu sur chacun de nous, selon le témoignage qu’il attend de nous, et donc la place qu’il nous fait occuper dans son Corps mystique. Eh bien, quelle que soit la mesure de chacun, la plénitude pour tous sera la filiation parfaite. » (3, sept. 1966, cité p. 297).

Enfin, véritable précurseur du Concile Vatican II, il sera très reconnaissant à l’Église sur les grandes nouveautés concernant le rôle des laïcs. "La sainte Église nous invite tout spécialement à nous unir a la clôture du Concile, cette grande œuvre de Dieu, de l’Eglise, et, pourrions-nous dire, la grande œuvre de l’Esprit-Saint. Les décrets conciliaires sont des flots de lumière et de vie qui descendent, exprimés en langage humain" (déc. 1965, cite p 251, sur le Concile cf. aussi ses réflexions p. 255).

 
Avignon, 23 janvier 2012, fête de sainte Emérentienne