De l’argent et des robots

29 novembre 2017

« Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent. » (Mt 6, 24).

Quelle actualité  !
L’homme moderne sert deux idoles : le Dieu Argent, en qui il met tous ses espoirs, et la Technique. Mais au fond, il s’agit toujours de la même idole : l’argent.
Deux livres viennent dénoncer cette idolâtrie si meurtrière :
Au delà du mur de l’argent d’Édouard Tétreau (Stock, 2015, 18 euros), qui s’il n’est certes pas tout récent garde toute son actualité, et, un autre, qui vient de sortir, sur une question devenue fondamentale : Fascination des nouvelles technologies et transhumanisme, 115 questions de Tanguy Marie Pouliguen (éd EdB, 2017, 19,5 euros).

Pour Édouard Tétreau le Pape François a reçu la mission déterminante de détruire ce mur de l’argent, de même que le grand Jean-Paul II a fait tomber celui qui séparait l’Est de l’Ouest. Il est cette petite pierre capable de faire s’écrouler le Veau d’or, ce colosse aux pieds d’argile, selon la belle image du livre de Daniel. Car, il y a urgence en ce début du XXI siècle. Qui ouvrira la brèche de nos consciences  ?

Le Pape François n’a en effet de cesse de prendre la défense des exclus, des déchets de la terre, tous ceux qui habitent nos périphéries. Le fossé entre les riches et les pauvres grandit de façon exponentielle, l’argent et la technique s’étant alliés pour aller constamment plus vite : il faut gagner encore plus. L’argent coule à flot, mais toujours au même endroit. Les groupe des gagnants se fait plus réduit et celui des laissés-pour-compte plus important...

"Taux d’intérêt négatifs ou nuls. Le monde financier se met la tête à l’envers, et en jouit sans retenue. Dans les banques et les fonds de « private equity » on a beau se verser bonus et primes sans limites, cela ne suffit pas à absorber l’excès d’argent. Alors, on fait tout pour le dissimuler, le différer, le thésauriser -mais toujours hors de portée de ceux qui en ont vraiment besoin, à commencer par les pauvres, et les États surendettes. Dans les entreprises, c’est la même chose : en 2017, les 500 premières entreprises américaines côtées (S&P 500) ont généré plus de 1000 milliards de dollars de profits. Elles ne savent pas quoi en faire : elles ont donc distribué 350 milliards de dollars en dividendes, racheté leurs propres actions (ce qui s’appelle « réduire le capital ») pour 350 milliards de dollars. Malgré cela, il reste aujourd’hui encore trop d’argent dans leurs soutes (...). C’est le dilemme quotidien de mes clients : que faire des excédents financiers  ? Le rendre à des actionnaires qui ne savent plus eux-mêmes ou l’investir  ? Ou le réinvestir dans l’économie, malgré des perspectives de croissance de long terme très incertaines  ? " (p. 37).‎

Or, ce sont bien souvent des robots qui nous gouvernement, qui investissent, consomment, produisent (p.33), ils sont tellement plus rapides que nous  ! Quelques nanosecondes.

Les robots justement, voilà le danger que dénonce de façon très documentée Tanguy Marie Pouliguen. Car ils fascinent. L’homme préfère réussir dans la vie plutôt que sa vie. Même au prix de mettre en jeu sa propre existence et le devenir des générations futures.
Ainsi la technoscience entre-t-elle de plus en plus dans notre quotidien, la vieillesse est considérée comme une maladie qu’il faut soigner coûte que coûte et l’homme réduit à une machine. Iron Man, Terminator, Spiderman autant d’hommes machines qui occupent nos écrans. Portables, puces, prothèses électroniques, intelligences artificielles, ADN disséqués, inséminations artificielles, eugénismes, droit à l’enfant parfait, droit à changer de sexe : le corps de l’homme est dorénavant une enveloppe sans intérêt, bien moins efficient qu’un cybord.

Comment de l’« homme augmenté » passe-t-on de l’homme aliéné. Est-ce la fatalité du progrès  ? Ne croyez pas, une véritable idéologie cynique se cache derrière, tout ce qui peut se faire, doit se faire. La puissance fascine. L’âme et le corps sont oubliés. Ne compte que l’efficacité, la rapidité, le temps..., l’argent. L’amour et la nature sont les grands perdants de la bataille. De là, l’urgence d’une écologie intégrale, vraiment humaine.
Un livre donc à lire et à faire lire d’urgence avant qu’il ne soit trop tard.‎ «  L’homme n’a de contact avec son âme que par la vie intérieure, et dans la Civilisation des machines la vie intérieure prend peu à peu un caractère anormal.  » (Georges Bernanos, la France contre les robots, 1947).‎