Comment devient-on chrétien ?

14 mars 2019

La préparation à l’initiation chrétienne est un cheminement long et progressif. L’Église veille avec soin à n’admettre au baptême que des convertis, elle vérifie le sérieux de la démarche des candidats : croient-ils en Jésus-Christ et sont-ils bien décidés à vivre selon l’Évangile ?

Certes, la vie divine que nous recevons est gratuite ; mais précisément parce qu’elle est un don merveilleux, il ne faut la transmettre qu’à bon escient, selon la parole de Jésus : « Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré et ne jetez pas vos perles devant les porcs » (Mt 7, 6).

Cherchons d’abord à présenter l’esprit. Ensuite nous analyserons la structure, pour pouvoir enfin en faire ressortir les axes pédagogiques.

  • L’esprit de l’initiation catéchuménale

La vie ne se laisse pas enfermer dans des formules. Il n’existe pas de définition du catéchuménat. Mais nous découvrons des images qui, mieux qu’une définition, nous font percevoir l’aspect vital, communautaire et progressif de l’initiation chrétienne, retenons-en trois.

  • Les nouvelles recrues ou les jeunes en stage d’apprentissage

Se mettre au service du Christ, s’engager à sa suite, il faut s’y préparer, il s’agit de l’engagement de toute une vie comme soldat du Christ pour le combat spirituel...
Ce n’est évidemment pas là l’image la plus adéquate pour faire comprendre le sens de l’initiation chrétienne, mais elle souligne cependant très utilement son caractère de formation et d’apprentissage, en vue d’une consécration qui engage toute la vie.
L’image du sceau, signe d’appartenance à un empereur ou à Jésus-Christ (dans le NT sceau = initiation) ou encore tous les tatouages d’aujourd’hui.

  • L’Exode

De la sortie d’Égypte jusqu’à l’entrée dans la terre promise, s’arracher à tous nos esclavages pour commencer à vivre d’une vie nouvelle. Vivre une véritable pâque et l’Exode est un long temps où Dieu fait notre éducation pour nous apprendre à nous laisser conduire par lui et à vivre à sa manière divine, à nous laisser modeler par lui.
Entre ces deux seuils, les catéchumènes marchent par étapes. Chaque jour, ils s’appliquent à écouter la loi de Dieu ; bien plus, ils s’y exercent. C’est ainsi la Parole divine qui les dirige et qui les forme. Vous l’avez remarqué, cette image souligne particulièrement que l’initiation est une expérience faite en commun, avec des frères qui, eux aussi, marchent vers le même but.

  • Faire un enfant de Dieu et faire un enfant homme, un parallèle lumineux

Pour faire un enfant d’homme, il faut 9 mois et trois étapes fondamentales : la fécondation, la gestation et la naissance, même si pour en faire un adulte, il faudra au moins 25 ans ! Il en sera de même de la venue au monde d’un enfant de Dieu :

La fécondation : ou précatéchuménat
Il s’agit d’une première annonce de Jésus, la parole va aller toucher le cœur et dès que le cœur a été transpercé, comme dans les actes des Apôtres, les enfants ou les jeunes demandent : que dois-je faire pour être chrétien ? (Exemple au Tchad).
Quand la Parole de Dieu a vraiment transpercé le cœur, et que les candidats demandent ce qu’ils doivent faire, alors ils peuvent entrer en catéchuménat. Ils font ainsi leur entrée dans l’Église, désormais ils sont chrétiens, mais pas encore “fidèles”.

• La gestation ou le catéchuménat
La Mère Église accueille en son sein ceux qu’elle enfantera au terme de cette gestation. Cette mission revient à la Mère Église et non à une catéchiste. Le candidat devra faire l’apprentissage de la vie en Christ et de la vie dans la famille des chrétiens. Il ne s’agit pas d’un enseignement, mais d’un apprentissage. Enfin, au terme de cette gestation, le nouvel enfant de Dieu pourra arriver à la vie.

• La naissance ou les trois sacrements de l’initiation chrétienne
Baptême, Confirmation et eucharistie.

• L’éducation
Il reste une dernière étape : les catéchèses mystagogiques pour approfondir tout ce que les catéchumènes viennent de recevoir et pour permettre à l’Église de remplir sa mission de Mère et d’Éducatrice.

Conclusion
Vous sentez tout l’intérêt de cette comparaison qui exprime l’aspect vital et progressif de l’initiation chrétienne. Cette image, facilement comprise, est pédagogiquement très riche pour montrer ce que doit être la formation du catéchumène.

Très riche aussi parce qu’elle montre bien que le baptême, tout en étant un aboutissement, est, avant tout, le début d’une vie nouvelle.

Entre ces seuils, les catéchumènes marchent par étapes. Chaque jour, ils s’appliquent à écouter la loi de Dieu ; bien plus, ils s’y exercent. La Parole divine les dirige et les forme.

Vous l’avez remarqué, cette image souligne particulièrement que l’initiation est une expérience faite en commun, avec des frères, qui, eux aussi, marchent vers le même but. Nous avons donc ainsi trois images très parlantes qui nous montrent l’esprit de l’initiation chrétienne dans son triple aspect d’apprentissage, de croissance vitale et d’expérience vécue. Il est bon maintenant de préciser davantage la structure de ce cheminement.

  • La structure du cheminement catéchuménal

Quand on parle de catéchuménat, méfions-nous d’une illusion très dangereuse : celle de croire que le système agit automatiquement. De même qu’il n’y a pas d’automatisme dans le sacrement, de même il n’y a pas d’automatisme dans la pédagogie catéchuménale. Ce que l’on doit considérer, ce n’est pas le temps mais la conduite. En d’autres termes, puisqu’il s’agit d’une initiation vitale, ce sont les progrès de la conversion qui vont rythmer les étapes catéchuménales.

Nous allons porter maintenant notre regard sur les divers temps de l’initiation pour y discerner les différents seuils qui jalonnent le cheminement de la foi. Nous y distinguerons successivement trois temps ou trois périodes, conduisant chacune à un seuil que l’on franchit pour s’engager à marcher plus loin.

  • La première période est celle de la première évangélisation

Elle ne fait pas partie de l’institution catéchuménale proprement dite, mais elle est le fondement d’une initiation chrétienne valable. Elle a toujours existé, mais ce ne fut jamais comme une structure : c’était plutôt le fruit de l’activité missionnaire spontanée des chrétiens.

L’annonce de la Bonne Nouvelle relève de la mission de chaque baptisé. Si certains y consacrent spécialement toute leur existence, tous en ont le souci dans leur vie quotidienne.

Les enfants et les jeunes qui demandent à devenir chrétiens reçoivent une première évangélisation qui consiste à découvrir Jésus et toutes les merveilles qu’il veut vivre avec nous, une annonce kérygmatique ; exemple de cette première évangélisation à N’Djaména, attention de ne pas rester sur un enseignement, mais sur un apprentissage de vie

Dès cette première annonce, il s’agit déjà, notons-le bien, de savoir « comment il faut vivre ». Elle comporte bien sûr un certain enseignement fondamental sur le Dieu créateur et unique et sur la venue du Christ (III. 15). Mais ce qui est cherché, c’est la conversion de la vie et pas seulement celle de l’intelligence. Il faut sentir grandir en eux le désir de changer de vie et de vivre en chrétien. 

Ainsi donc, dès la première évangélisation qui se fait à travers les contacts individuels de la vie quotidienne, il s’agit déjà d’un temps de formation et de probation, et seuls ceux qui sont vraiment décidés à vivre selon le Christ pourront être admis au catéchuménat.

Le critère de N’Djaména pour l’entrée en catéchuménat : comme dans les Actes des Apôtres : « Frères, que devons-nous faire ? »

Alors seulement, les convertis peuvent être admis dans l’Église pour y être initiés : ils le sont par une cérémonie liturgique marquant leur entrée dans la famille des chrétiens. Désormais, selon les expressions de saint Augustin, ils font partie de l’Église. Marqués de la croix du Christ, ils sont déjà « chrétiens », mais pas encore « fidèles ». Ils sont « dans le sein de l’Église », déjà « conçus », mais pas encore « enfantés ».

  • La seconde période est celle de la gestation

La seconde période de l’initiation est celle de la gestation : ceux qui ont été conçus vont être nourris jusqu’à pouvoir venir au monde ; ceux qui font partie de la maison vont se préparer à devenir des fils ; ceux qu’on appelle “chrétiens” vont se former pour devenir des “fidèles”. C’est le temps du catéchuménat proprement dit.

Au troisième siècle, cette formation se poursuit habituellement durant trois années. C’est donc une période assez longue. Pourquoi ? Parce qu’il ne s’agit pas seulement d’apprendre des choses, mais d’apprendre à vivre.

Apprentissage à la vie dans la famille des chrétiens, apprentissage à la vie en Christ, entraînement pour le combat spirituel.

Il faut se laisser former en Christ dans le sein de la Mère Église.
Les “catéchistes” doivent plutôt être des garants ou des parrains et marraines, plus que des enseignantes, ou alors comme dans des centres d’apprentissages.

Un catéchuménat authentique est un véritable noviciat : au cours des mois, on découvre peu à peu la Parole de Dieu et on s’exerce à la mettre en pratique. Notons-le bien, tout cela se fait en communauté, dans les assemblées où catéchèse et prière vont toujours de pair ; dans des groupes où les frères aînés sont de véritables guides ou “pères spirituels”, et selon une pédagogie où l’effort de chacun est soutenu par la grâce divine.

Ainsi se réalise progressivement l’initiation à la vie chrétienne que les sacrements vont venir consacrer. A proprement parler, le baptême ne donne pas la foi, il vient sceller la foi qui est née et s’est fortifiée durant les années de catéchuménat. Ou plutôt, nous devrions dire que le baptême exerce son action illuminatrice et sanctifiante dès le début de la conversion.

Concernant la foi, trois verbes montrent la progression de la conversion : accéder à la foi, entrer dans la foi, sceller la foi. Ces trois expressions correspondent aux trois temps de l’initiation : évangélisation, catéchuménat, célébration des sacrements.

On peut donc dire à la fois que la grâce du baptême agit dès la naissance de la foi, et que l’exigence de la foi est toujours essentielle dans le sacrement. Foi et grâce sacramentelle naissent et grandissent de pair tout au long du cheminement de conversion.

Les critères de l’admission aux sacrements illustrent bien ce que nous affirmons ici. Au terme de cette deuxième période, en effet, « quand on choisit ceux qui vont recevoir le baptême, on examine leur vie ». Et cet examen porte essentiellement sur la charité, qui est le signe d’une foi vécue. Pareillement, le groupe des “baptizandi” « est composé de ceux qui ont montré autant qu’ils pouvaient leur détermination de ne rien vouloir que ce qui convient à des chrétiens... Lorsque ceux des convertis qui progressent (remarquez ce très beau nom donné aux catéchumènes : ceux des convertis qui progressent), ont manifesté qu’ils sont purifiés par la parole et combien ils peuvent vivre mieux, alors nous les appelons à l’initiation (sacramentelle) ». C’est donc bien le style de vie chrétienne, déjà visible dans le comportement des catéchumènes qui sera le critère fondamental de l’admission au baptême.

  • La troisième période, la célébration des sacrements

La troisième période est celle de la célébration des sacrements de l’initiation. Traditionnellement, elle se déroule en communauté, avec solennité. Au troisième siècle, ceux qui ont été admis s’appellent les “élus”, car c’est Dieu qui, par l’Église, les a choisis gratuitement.

Pour eux, la célébration pascale s’étale sur une semaine de prière et d’exorcismes, couronnée par la veillée solennelle de Pâques (ou de Pentecôte) au cours de laquelle ils deviennent des “néophytes”, de nouvelles créatures, par les sacrements de baptême, de “confirmation” et d’eucharistie.

  • Les axes pédagogiques de la formation catéchuménale

Il ne faut pas imaginer le catéchuménat comme une institution d’allure scolaire. On parle seulement des personnes et leur nom de catéchumènes souligne qu’il s’agit d’auditeurs qui écoutent la parole de Dieu pour que cette Parole prenne vie, prenne chair en eux.

Si nous voulons déterminer les caractéristiques de cette initiation catéchuménale, nous en retiendrons trois qui correspondent aux trois images, du sein maternel, du noviciat et de l’Exode.

Cette initiation se fait dans et par une communauté, l’Église. Elle est initiation à la vie avec le Christ, à la vie en Christ. Elle est une mise en route.

  • Une initiation dans et par la communauté ecclésiale

Ce qui est premier, ce n’est pas le catéchuménat, c’est l’Église. Le catéchuménat n’est pas un système pour entrer dans l’Église, c’est l’Église elle-même en tant qu’elle exerce sa fonction maternelle. Qu’il suffise de rappeler comment est perçu le premier seuil du cheminement. A cette époque-là, on ne parle pas de faire entrer en catéchuménat, mais d’introduire dans l’Église, dans le peuple de Dieu, dans la maison de Dieu, dans la cité de Dieu.

C’est donc bien l’accueil dans une famille dont on va découvrir le style de vie, dans la communauté ecclésiale où les aînés vont aider à l’initiation progressive. « Si l’on inscrit ton nom et celui de ton garant, c’est pour que tu saches dès maintenant que tu es inscrit au ciel où ton garant a grand soin de t’apprendre à toi, étranger en cette ville, et qui vient récemment d’y accéder, tout ce qui regarde cette cité et la vie de ce lieu, afin que, sans trouble et sans confusion, tu t’habitues aux occupations de cette cité grandiose ».

Pour initier le nouveau membre qu’elle accueille, la famille Église va transmettre sa “Tradition”, c’est-à-dire que, peu à peu, elle va faire découvrir la richesse du trésor familial à ceux qui veulent en vivre dans son sein. Cette transmission se fait au jour le jour, au travers de l’enseignement, de la prière et de la vie. Mais il est intéressant de constater qu’elle s’exprime aussi par des cérémonies qui, peu avant le baptême, manifestent solennellement en résumé ce qui s’est passé tout au long de la formation, et qu’on appelle justement les “traditions”, tradition du “Je crois en Dieu”, montrant que l’initié a reçu la sagesse familiale, la foi qui éclaire notre vision du monde. Tradition du “Notre Père”, montrant que l’initié a été admis au culte familial, à la prière propre de la communauté chrétienne qui nous met en relation avec le Père. Tradition des Évangiles, montrant que l’initié est entré dans le style de vie familiale, grâce à la Parole de Dieu qui éclaire notre comportement.

  • Une initiation à la vie avec le Christ, à la vie en Christ

Dire que l’initiation se fait dans et par une communauté, c’est déjà souligner son aspect vital, car une communauté n’est rien d’autre qu’un groupe vivant, et ceux qui y entrent, y viennent pour vivre de cette même vie. Mais nous voulons maintenant insister sur le fait que le catéchuménat est un apprentissage de vie, de vie évangélique, de vie avec le Christ, de vie en Christ.

Il s’agit d’une connaissance personnelle et vitale. Pour atteindre Dieu, elle se fait pour nous par le Christ et son Esprit.

La formation chrétienne est comme une mise à la suite du Christ pour découvrir Dieu et vivre avec lui.

Tout le cheminement de la vie chrétienne est profondément christocentrique, et le catéchuménat est une initiation à la vie avec le Christ et en Lui.

Catéchèse et liturgie doivent être intimement liées : la catéchèse se fait au cours de la liturgie et la liturgie est une célébration vécue de l’Histoire du Salut. On peut dire sans exagération que la liturgie est première : elle est la vie, l’expérience vécue de la rencontre avec Dieu. La catéchèse n’est que l’approfondissement intellectuel de cette expérience, comme nous le montrent bien les homélies mystagogiques : après Pâques, elles font réfléchir les néophytes sur leur expérience pascale : « On croit beaucoup plus facilement ce qu’on voit que ce qu’on entend, écrit Cyrille de Jérusalem. (...) Je vous prends donc au sortir de votre expérience pascale. (...) Je vais vous inculquer soigneusement les connaissances réservées aux initiés, afin que vous sachiez interpréter ce que vos yeux ont vu au cours de l’inoubliable soirée où vous avez été baptisés ».

Bien sûr, la liturgie suppose une évangélisation préalable, mais celle-ci présente précisément l’histoire du salut comme la réalisation du Plan d’amour de Dieu. Elle invite à y entrer et elle permet déjà une certaine expérience de vie et d’amour.

Dans cette perspective, il est donc normal aussi que les critères d’admission aux étapes catéchuménales se réduisent essentiellement à la vie évangélique. Non pas que la foi soit exclue des critères, bien au contraire. Mais une foi est vraie dans la mesure où elle est vivante, animée par la Charité. Et le meilleur signe de la foi vraie, c’est bien la Charité vécue.

  • Une initiation qui est une mise en route

Comme troisième caractéristique, nous retiendrons que l’initiation catéchuménale est une mise en route, au double sens du mot qui implique, d’une part une progression, et d’autre part, le lancement d’un mouvement perpétuel en avant.

Nous l’avons déjà fait remarquer, la naissance de la foi passe par deux seuils qu’il faut bien distinguer et respecter, et qui supposent chacun un temps préalable de découverte et de formation ; le seuil de la première conversion, qui a dû être préparé par l’évangélisation, et le seuil du baptême, sceau de la conversion, qui a dû être préparé par l’éducation catéchuménale.

Ces deux temps successifs d’évangélisation et de formation forment un tout : c’est le temps de l’initiation qui aboutit au Baptême-Confirmation et à l’Eucharistie. Le baptême est une naissance, une entrée dans la vie. Or, on n’entre pas dans la vie pour en ressortir aussitôt. Naître à la vie du Christ, c’est se mettre en route avec lui, pour aller jusqu’au bout du chemin qui est la rencontre parfaite avec Dieu.

  • Conclusions pratiques

Jésus est notre chemin et notre patrie, la vie chrétienne est une ascension, une marche, une course jamais achevée...

Mgr Jean-Pierre Cattenoz