Tous pour le mariage : beaucoup a été fait et publié ... cela sera-t-il entendu ?

24 janvier 2013

Les débats parlementaires sur le « mariage pour tous » vont débuter. Feront-ils fi du million de manifestants du 13 janvier et des très nombreux rapports, ouvrages qui ne cessent de sortir sur la question ? Voici quatre livres aux styles et aux contenus très divers mais qui, tous, soulignent la beauté et l’importance du mariage et de la famille ainsi que le péril et les impasses catastrophiques que contiennent les théories du gender.

Le plus récent de ces ouvrages est très court mais excellent : Mariage des personnes de même sexe, la controverse juridique (ed. Téqui, 2013, 7,90 €). Il est écrit par deux juristes, l’une est maître de conférences en droit privé : Aude Mirkovic, l’autre est professeur de droit public : Anne-Marie Le Pourhiet. Excellent car le style est direct, concis, sachant expliquer les enjeux et dangers du projet de loi. En bonnes juristes, elles nous permettent d’en décrypter toutes les conséquences.

Où l’on nous dit notamment : "La manie récurrente de poser la question du mariage et de la filiation en terme de discrimination sur l’orientation sexuelle est (...) un piège et un mensonge. Il n’est pas nécessaire de donner aux personnes homosexuelles les mêmes droits qu’aux personnes hétérosexuelles, tout simplement parce qu’elles les ont déjà !" (p. 7).

"Le mariage n’a pas pour but de reconnaître un lien affectif, qui n’est d’ailleurs pas une condition du mariage. Pour pouvoir se marier, il ne suffit donc pas de s’aimer, il faut remplir les conditions pour fonder une famille, c’est-à-dire, notamment, être un homme et une femme" (p. 13).

Ou encore, concernant la filiation et l’adoption : "Pour inventer les époux et les parents de même sexe, le projet de loi ne fait pas évoluer la filiation : il la redéfinit, en la détachant de sa référence à l’engendrement de l’enfant, pour la réduire à un rapport d’éducation. Pourtant, la conception d’un enfant requiert toujours un homme et une femme, c’est pourquoi l’accès à la parenté pour des personnes de même sexe passe par la fabrication d’enfants adoptables et la remise en cause de l’égalité des enfants dont certains seront privés délibérément d’un père ou d’une mère. Ce que le projet de loi organise n’est donc pas rien de moins qu’un détournement de l’institution de l’adoption dont l’objet avait toujours été de donner une famille à un enfant, et pas de donner un enfant à des adultes : on passe ici du droit de l’enfant au droit à l’enfant". (p. 9)

Pour le droit, être marié signifie que le mari est le père des enfants nés du couple. Or, dans le cas d’un mariage entre personnes de mêmes sexe, les parents ne sont plus ceux qui ont engendré l’enfant mais les adultes qui en ont fait le « projet parental ». Ceci entraînera nécessairement une remise en cause générale de la filiation, ce qui n’est pas sans conséquence pour l’enfant et... la mère. L’auteur explique : "dès lors que la parenté est fondée sur la volonté (et non sur l’engendrement -biologique-), l’intention, le désir, l’enfant désiré pourra se retrouver sans parents ! Comment imposer à un homme une paternité non désirée, fut-elle biologique, alors que la biologie est évacuée de la définition de la filiation ? Il suffira à un homme de prouver qu’il ne désirait pas l’enfant pour se dégager de sa paternité. (...) En particulier la présomption de paternité désigne aujourd’hui le mari comme père. le projet de loi lui permettrait de refuser cette paternité, y compris s’il est le père biologique, au motif qu’il n’a pas désiré l’enfant ! En effet, si la conjointe de la mère n’est reconnue comme « parent » que lorsqu’elle l’a désiré, pourquoi le conjoint, sous prétexte qu’il est un homme, se verrait imposer une parenté non désirée ? C’est donc la fin de la présomption de paternité qui protégeait l’enfant et la femme dans TOUS les mariages !" (pp. 32-33).

Aude Mirkovic nous démontre également qu’il est faux de dire que les enfants élevés par des couples homoparentaux ne sont pas protégés devant la loi, elle y consacre un long chapitre. Elle ajoute : "La loi accompagne donc le lien existant entre l’enfant et l’adulte qui l’élève. Si cet adulte ne peut pas être reconnu comme second parent, ce n’est pas parce que son investissement éducatif et affectif serait nié ou méconnu, mais parce que tous les liens d’affection n’ont pas à être reconnus comme des liens de filiation. Par exemple, le lien d’amitié ne connaît en droit français aucune reconnaissance juridique. Il est pourtant bien réel, et parfois plus fort et solide que les liens de parenté. Ne dit-on pas d’un ami qu’il est « comme un frère », ou « plus qu’un frère » ? Pourtant, reconnaître juridiquement comme frères et sœurs des amis, même très proches, priverait de sens le concept de fratrie. A plus forte raison, les qualités de père et mère ne peuvent être reconnues à des personnes qui ne correspondent pas à la définition objective des parents, sous peine de priver le concept de sens" (p. 39).

Tous unis pour le mariage, le mariage homosexuel en question (ed. universitaires, 2013, 114p., 10 €) est un également un petit livre collectif regroupant de courts mais très pertinents manifestes d’hommes politiques, philosophes, psychanalystes (en particulier Christian Flavigny qui a écrit de nombreux ouvrages sur la question de l’adoption par des couples homosexuels), juristes, etc... Un ouvrage qui mérite lui aussi d’être lu et amplement diffusé.

Voilà notamment ce qu’écrit le philosophe Bertrand Vergely : "En premier lieu, pour une simple question de réalité et de donnée objective,on ne peut mettre sur le même plan hétérosexualité et homosexualité, un homme et une femme n’étant pas la même chose que deux hommes ou deux femmes. Les couples hétérosexuels ne sont pas des couples homosexuels ni les couples homosexuels, des couples hétérosexuels.
Établir une équivalence entre les deux revient à nier la réalité, une grave confusion entre genre et pratique. Avant d’être une pratique, l’hétérosexualité est un genre et non une pratique, alors que l’homosexualité est une pratique et non un genre. La preuve : pour être homosexuel, il faut d’abord être homme ou femme. Si demain, au nom de l’égalité, tout est mis sur le même plan, la pratique particulière dictant ses lois au genre, un processus va s’engager, à savoir celui de la disparition à plus ou moins long terme de la différence sexuée.
On va alors à un premier effet dictatorial. pour que les homosexuels puisent exercer leur droit à l’égalité, l’humanité va être interdite de faire une différence entre homme et femme et de voir dans l’hétérosexualité un fondement et non une pratique considérée comme discriminatoire. Une nouvelle humanité va ainsi voir le jour. Nous vivions jusqu’à présent dans un monde marqué par la différence. Nous allons connaître un monde nouveau fondé sur l’indifférenciation. Quand on sait que la différence est le propre du vivant et l’indifférence le propre de la mort, cela veut dire qu’un principe de mort va désormais servir de principe pour guider l’humanité" (pp. 28-29).

Dans un tout autre style le père Hubert Lelièvre, de notre diocèse, a écrit : La famille face au défi du gender (2012, ed. l’Evangile de la Vie, 122 p.,11€). Là encore un petit ouvrage, très facile à lire, qui a le mérite en peu de mots de faire un rapide tour de la question du gender en s’appuyant sur les travaux de nombreux spécialistes et en invitant avec force les familles s’unir contre cette idéologie. Mgr Jacques Suaudau de l’Académie Pontificale pour la Vie, en conclut ainsi la préface : "« Connais-toi toi même », portait le fronton du temple d’Apollon à Delphes, résume la sagesse grecque. Nous sommes biologiquement sexués, tant par le sexe inscrit dans les cellules de notre corps, que par les importantes différences anatomiques, biologiques et psychologiques que la différence sexuelle imprime au corps humain au cours de son développement. (...) Il y a bien sûr place pour des erreurs, des transsexualismes, des hermaphrodismes. mais il s’agit là de pathologies du développement et de plus ces cas sont exceptionnels. (...) l’important est que le sujet, dans son état actuel, opte pour le principe de réalité, et s’accepte lui-même. C’est la base même l’hygiène intellectuelle et spirituelle. Toute l’idéologie du gender, avec son insistance sur la possibilité d’un « choix » psychologique qui pourrait être différent de l’état somatique, va en sens contraire. loin d’aider les personnes, elles les maintient dans leur problème - et leur égocentrisme. Elle est basiquement insensée" (pp. 13-14).

Enfin, très différent et plus difficile d’accès mais non moins intéressant, le travail d’un philosophe et théologien de renom : Xavier Lacroix. Après notamment La confusion des genres (2005), l’auteur a publié en 2012 : Le corps retrouvé (ed. bayard, 272 p., 21 €). Un ouvrage qui n’est pas sans rappeler le livre de Jean Claude Guillebaud La Vie Vivante (2012, cf. notre recension : Pour ne pas bronzer idiot). Où l’on redécouvre l’importance des philosophes qui, plus que les positivistes, doivent prendre part aux débats fondamentaux portant sur la parenté, la procréation médicalement assistée, le gender, le mariage et le corps. Parlant du christianisme, l’auteur pose "il n’est pas de religion, pas de philosophie même qui accorde au corps un prix, une valeur, une vocation plus grands que le christianisme. Le christianisme est la religion du corps, de l’Incarnation, de la résurrection de la chair, des sacrements, d’une réelle incidence accordée aux gestes du corps" (p. 70). Xavier Lacroix nous décrit ainsi de l’importance de l’amitié, des repas pris ensemble, de la sexualité, du dépassement de l’individualisme et du corps social...


Comment ne pas terminer cette recension sans citer les propos extrêmement importants du Saint-Père lors ses voeux de Noël 2012 à la Curie romaine ?
"La grande joie avec laquelle des familles provenant du monde entier se sont rencontrées à Milan a montré que, malgré toutes les impressions inverses, la famille est forte et vivante encore aujourd’hui. Cependant la crise qui – particulièrement dans le monde occidental – la menace jusque dans ses fondements est aussi incontestable. J’ai été frappé du fait qu’au Synode on a souligné à maintes reprises l’importance de la famille pour la transmission de la foi, comme lieu authentique où se transmettent les formes fondamentales du fait d’être une personne humaine. On les apprend en les vivant et aussi en les souffrant ensemble. Et ainsi, il apparaît avec évidence que la question de la famille n’est pas seulement celle d’une forme sociale déterminée, mais celle de la question de l’être humain lui-même – de la question de ce qu’est l’être humain et de ce qu’il faut faire pour être de façon juste une personne humaine. Dans ce contexte, les défis sont complexes. Il y a avant tout la question de la capacité de l’homme de se lier ou de son manque de liens. L’être humain peut-il se lier pour toute une vie ? Cela correspond-il à sa nature ? N’est-ce pas en opposition avec sa liberté et avec la dimension de son autoréalisation ? L’être humain devient-il lui-même en demeurant autonome et en entrant en contact avec l’autre uniquement par des relations qu’il peut interrompre à tout moment ? Un lien pour toute la vie est-il en opposition avec la liberté ? Le lien mérite-t-il aussi qu’on en souffre ? Le refus du lien humain, qui se répand toujours plus à cause d’une compréhension erronée de la liberté et de l’autoréalisation, comme aussi en raison de la fuite devant le support patient de la souffrance, signifie que l’homme demeure fermé sur lui-même et, en dernière analyse, conserve son propre « moi » pour lui-même, et ne le dépasse pas vraiment. Mais c’est seulement dans le don de soi que l’être humain se réalise lui-même, et c’est seulement en s’ouvrant à l’autre, aux autres, aux enfants, à la famille, c’est seulement en se laissant modeler dans la souffrance, qu’il découvre la dimension du fait d’être une personne humaine. Avec le refus de ce lien disparaissent aussi les figures fondamentales de l’existence humaine : le père, la mère, l’enfant ; des dimensions essentielles de l’expérience du fait d’être une personne humaine tombent.

Le Grand Rabbin de France, Gilles Bernheim, dans un traité soigneusement documenté et profondément touchant, a montré que l’atteinte à l’authentique forme de la famille, constituée d’un père, d’une mère et d’un enfant – une atteinte à laquelle nous nous trouvons exposés aujourd’hui – parvient à une dimension encore plus profonde. Si jusqu’ici nous avons vu comme cause de la crise de la famille un malentendu sur l’essence de la liberté humaine, il devient clair maintenant qu’ici est en jeu la vision de l’être même, de ce que signifie en réalité le fait d’être une personne humaine. Il cite l’affirmation devenue célèbre, de Simone de Beauvoir : « On ne naît pas femme, on le devient ». Dans ces paroles se trouve le fondement de ce qui aujourd’hui, sous le mot « gender », est présenté comme une nouvelle philosophie de la sexualité. Le sexe, selon cette philosophie, n’est plus un donné d’origine de la nature, un donné que l’être humain doit accepter et remplir personnellement de sens, mais c’est un rôle social dont on décide de manière autonome, alors que jusqu’ici c’était à la société d’en décider. La profonde fausseté de cette théorie et de la révolution anthropologique qui y est sous-jacente, est évidente. L’être humain conteste d’avoir une nature préparée à l’avance de sa corporéité, qui caractérise son être de personne. Il nie sa nature et décide qu’elle ne lui est pas donnée comme un fait préparé à l’avance, mais que c’est lui-même qui se la crée. Selon le récit biblique de la création, il appartient à l’essence de la créature humaine d’avoir été créée par Dieu comme homme et comme femme. Cette dualité est essentielle pour le fait d’être une personne humaine, telle que Dieu l’a donnée. Justement, cette dualité comme donné de départ est contestée. Ce qui se lit dans le récit de la création n’est plus valable : « Homme et femme il les créa » (Gn 1, 27). Non, maintenant ce qui vaut c’est que ce n’est pas lui qui les a créés homme et femme, mais c’est la société qui l’a déterminé jusqu’ici et maintenant c’est nous-mêmes qui décidons de cela. Homme et femme n’existent plus comme réalité de la création, comme nature de l’être humain. Celui-ci conteste sa propre nature. Il est désormais seulement esprit et volonté. La manipulation de la nature, qu’aujourd’hui nous déplorons pour ce qui concerne l’environnement, devient ici le choix fondamental de l’homme à l’égard de lui-même. L’être humain désormais existe seulement dans l’abstrait, qui ensuite, de façon autonome, choisit pour soi quelque chose comme sa nature. L’homme et la femme sont contestés dans leur exigence qui provient de la création, étant des formes complémentaires de la personne humaine. Cependant, si la dualité d’homme et de femme n’existe pas comme donné de la création, alors la famille n’existe pas non plus comme réalité établie à l’avance par la création. Mais en ce cas aussi l’enfant a perdu la place qui lui revenait jusqu’à maintenant et la dignité particulière qui lui est propre. Bernheim montre comment, de sujet juridique indépendant en soi, il devient maintenant nécessairement un objet, auquel on a droit et que, comme objet d’un droit, on peut se procurer. Là où la liberté du faire devient la liberté de se faire soi-même, on parvient nécessairement à nier le Créateur lui-même, et enfin par là, l’homme même – comme créature de Dieu, comme image de Dieu – est dégradé dans l’essence de son être. Dans la lutte pour la famille, l’être humain lui-même est en jeu. Et il devient évident que là où Dieu est nié, la dignité de l’être humain se dissout aussi. Celui qui défend Dieu, défend l’être humain !"