Encyclique Spe Salvi

9 janvier 2008

de Benoît XVI

Avec sa deuxième encyclique, Benoît XVI nous offre pour l’Avent une méditation, courte, mais exceptionnelle, sur la vertu théologale de l’Espérance.

“Spe salvi facti sumus”, écrit Benoît XVI pour commencer : “dans l’espérance nous avons été sauvés”, dit saint Paul aux Romains et à nous aussi (Rm 8, 24). Selon la foi chrétienne, la “rédemption”, le salut n’est pas un simple donné de fait. “La rédemption nous est offerte en ce sens que nous a été donnée l’espérance, une espérance fiable, en vertu de laquelle nous pouvons affronter notre présent (…)”. Ses prédécesseurs avaient marqué leur pontificat par des encycliques politiques, Benoît XVI, lui, nous livre encore une fois une œuvre profondément spirituelle.

Force est de reconnaître que, plus que quiconque, notre Saint-Père associe admirablement la Foi et la Raison. Ses pages sont lumineuses, parfaitement claires, de très haute volée, tout en s’adressant à tous (ce qui ne nous empêchera pas de devoir relire certains passages plusieurs fois !).

Car, Benoît XVI n’est pas seulement un immense théologien, il possède aussi une culture extrêmement vaste. Aussi illustre-t-il ces pages de références philosophiques ou littéraires parfois étonnantes : Luther, Kant, Marx, Dostoïevski et même Giono ! Mais il mentionne également des témoins extraordinaires, d’Afrique et d’Asie, de la puissance de Dieu dans la faiblesse, telle la jeune Bakhita, ce cher Cardinal Nguyên Van Thuan, ou encore Paul Le-Bao-Tinh (martyr vietnamien mort en 1857). De ce dernier, le Pape nous cite une lettre magnifique attestant que vivre avec le Christ signifie vivre plein de force et d’espérance, même au cœur des pires turpitudes : “Par la grâce de Dieu, au milieu de ces supplices qui ont coutume d’attrister les autres, je suis rempli de gaieté et de joie, parce que je ne suis pas seul, mais le Christ est avec moi” (§. 37).

Beaucoup d’extraits seraient à citer pour mieux les méditer. En voici seulement quelques magnifiques exemples : “Celui qui a l’espérance vit différemment ; une vie nouvelle lui a déjà été donnée”. (§. 2). Et tout au long de ces pages, il ne va cesser de répéter à l’homme contemporain que “(…) l’homme a besoin de Dieu, autrement, il reste privé d’espérance” (§. 23).

Afin d’illustrer la puissance salvifique de l’espérance chrétienne, ou selon sa belle expression de l’“espérance-certitude” (§. 35), le Saint Père commence par citer le si beau témoignage de cette petite esclave du Darfour, à qui Jésus-Christ changea la vie. “Après avoir été la propriété de “maîtres” aussi terribles, Bakhita connut un “Maître” totalement différent (...) le Dieu vivant, le Dieu de Jésus Christ. Désormais, elle avait une “espérance” – non seulement la petite espérance de trouver des maîtres moins cruels, mais la grande espérance : je suis définitivement aimée et quel que soit ce qui m’arrive, je suis attendue par cet Amour. Et ainsi ma vie est bonne. Par la connaissance de cette espérance, elle était “rachetée”, elle ne se sentait plus une esclave, mais une fille de Dieu libre »” (§. 3).

Et Benoît XVI de développer que cette Espérance, n’est pas celle du monde, qui finit toujours par décevoir. Jésus-Christ n’est ni Spartacus, ni Barabbas. Il n’est pas venu pour lutter contre l’injustice par la violence, mais pour donner sa Vie et ainsi nous ouvrir la “Vie éternelle” (termes qu’il explique avec beaucoup de profondeur, en s’appuyant sur son maître saint Augustin, §§. 10 et s.), c’est-à-dire nous donner l’Espérance dès ici bas. “Le christianisme n’avait pas apporté un message social révolutionnaire comme celui de Spartacus qui, dans des luttes sanglantes, avait échoué. Jésus n’était pas Spartacus, il n’était pas un combattant pour une libération politique, comme Barabbas ou Bar-Khoba. Ce que Jésus, personnellement mort sur la croix, avait apporté était quelque chose de totalement différent : la rencontre avec le Seigneur de tous les seigneurs, la rencontre avec le Dieu vivant, et ainsi la rencontre avec l’espérance qui était plus forte que les souffrances de l’esclavage” (§. 4).

Pour analyser la crise actuelle d’espérance de l’humanité, il revient longuement et brillamment sur ses causes (Bacon, la Révolution française, Marx, etc… §§. 16 à 21). De là, il évoque les questions brûlantes du progrès, de la science, de la raison, de la liberté... Il explique notamment : “Si, pour être progrès, le progrès a besoin de la croissance morale de l’humanité, alors la raison du pouvoir et du faire doit pareillement, de manière urgente, être intégrée, grâce à l’ouverture de la raison, aux forces salvifiques de la foi, au discernement entre bien et mal. C’est ainsi seulement qu’elle devient une raison vraiment humaine. Elle devient humaine seulement si elle est en mesure d’indiquer la route à la volonté, et elle n’est capable de cela que si elle regarde au delà d’elle-même (…)” (§. 23).

Et sur la liberté, il développe : “ (…) on note clairement une continuité du progrès vers une maîtrise toujours plus grande de la nature. À l’inverse, dans le domaine de la conscience éthique et de la décision morale, il n’y a pas de possibilité équivalente d’additionner, pour la simple raison que la liberté de l’homme est toujours nouvelle et qu’elle doit toujours prendre à nouveau ses décisions. Elles ne sont jamais simplement déjà prises pour nous par d’autres – dans un tel cas, en effet, nous ne serions plus libres. La liberté présuppose que, dans les décisions fondamentales, tout homme, chaque génération, est un nouveau commencement” (§. 24). Cela vaut aussi pour la foi, adhésion libre, chaque nouvelle génération devra bénéficier d’une nouvelle annonce, pour “un nouveau commencement”.

Enfin, critique quant à une vision individualiste du christianisme, il répète : “ (…) le salut a toujours été considéré comme une réalité communautaire (…) la “rédemption” apparaît vraiment comme le rétablissement de l’unité, où nous nous retrouvons de nouveau ensemble (…)” (§. 14). Ou encore, la “ “vie bienheureuse” » (est) orientée vers la communauté” (§.15).

Tant d’autres points seraient à retenir, sur la prière, l’action, la souffrance et le Jugement dernier : autant de lieux pour expérimenter la force de l’espérance chrétienne. Aussi le mieux reste-t-il de lire et de relire cette belle encyclique Spe salvi.

Il est dit qu’une troisième encyclique, sociale cette fois, serait en préparation pour février, mais il ne serait pas étonnant non plus que notre Saint Père, en bon pédagogue, nous prépare une encyclique sur la Foi, après celles sur la Charité (Deus caritas est) et l’Espérance.